241 boulevard Pereire (Paris 17ème)

Métro/RER : Porte Maillot (Ligne C RER ou Ligne 1 métro)
Lieu notable : Ancien siège de La Cinq
Ce grand boulevard tire son nom de Isaac et Emile Pereire, hommes d’affaires du Second Empire. Ces deux frères ont notamment été à l’origine de la ligne ferroviaire d’Auteuil qui passait à l’endroit même où nous nous trouvons actuellement. Après de nombreuses évolutions une partie de ce réseau a été supprimée et l’autre intégrée à l’actuel ligne du RER C. Le boulevard est, quant à lui, coupé en deux proposant un grande promenade verte aménagée à la fin des années 80.

Dans l’histoire de la télévision, ce lieu reste sans doute lié à la flamboyance et à la chute de La Cinq, première chaîne privée gratuite en France. Toutefois, l’histoire prend place avant même la naissance de la chaîne. En 1985, la France est en train de vivre une véritable transition télévisuelle. Alors que la quatrième chaîne a fait ses premiers pas l’année précédente, déjà s’annoncent la création de chaînes privées gratuites mais également la privatisation d’une ou plusieurs chaînes publiques. Un homme souhaite ne pas rester en dehors de ces enjeux médiatiques : Robert Hersant. Déjà propriétaire de nombreux titres de presse, dont Le Figaro, il va se donner les moyens de son ambition. Il ne doute pas un instant qu’il aura sa fréquence, après tout ses titres se sont fait l’écho de l’opposition depuis 1981.

C’est ainsi que se constitue la société TVES (télévision européenne par satellite) dont le directeur général est Philippe Ramond, un proche de Robert Hersant. La télévision ne lui est pas inconnue puisqu’il a participé à la création de Canal+. Le premier objectif est de trouver un lieu capable d’accueillir des studios de tournage mais également des bureaux.

C’est dans un ancien garage Renault, situé au 241 boulevard Pereire, que Phillipe Ramond jette son dévolu durant l’été 1985. Plus de 4000 m² avec de grandes hauteurs de plafond. Une fois aménagé, le lieu est idéal pour un projet de chaîne de télévision. TVES s’équipe en moyens de communication modernes. Un atout majeur pour décrocher une concession de chaîne de télévision mais aussi un moyen de constituer les premières équipes techniques afin d’être prêt le jour où…

La Cinq et TV6 sont lancées au début de l’année 1986 mais sans le groupe de Robert Hersant. C’est également au printemps de cette même année que sont annoncées la résiliation des concessions de ces deux chaînes et la privatisation de TF1. Un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir.

Du côté du 241 boulevard Pereire, pas de chaîne de télévision, pour le moment, mais unité de production grâce aux moyens techniques de TVES. C’est ainsi que des émissions seront produites depuis l’ancien garage pour TV6 et même pour TF1. TF1 justement la grande chaîne nationale vers laquelle lorgne Robert Hersant mais qui comprend progressivement que son avenir télévisuel se fera du côté de La Cinq. C’est donc avec les anciens actionnaires de ce réseau que Robert Hersant finalise son tour de table notamment avec le plus important d’entre eux, Silvio Berlusconi. Cette continuité qui permet à la fois de satisfaire un homme proche du gouvernement mais également d’éviter des coûts de résiliation (envers les anciens opérateurs) encourage la CNCL à attribuer la 5ème chaîne le 22 février 1987 pour une concession de 10 ans à la société d’exploitation de La Cinq dirigée par le duo Hersant-Berlusconi.

Ce nouveau départ de La Cinq se matérialise donc par un déménagement du siège au 241 boulevard Pereire. Les gros tuyaux, qui parsèment les différentes salles, témoignent du passé de cet endroit. Le lieu accueille également la première rédaction de la chaîne menée par Patrice Duhamel. Le logo bleu étoilé s’affiche fièrement sur la façade de l’immeuble, l’aventure de la grande chaîne privée commence alors.

En septembre 1987, ont lieu les premières éditions du journal télévisé de la chaîne avec un plateau ayant comme fond visuel la régie. Un décor qui sera l’une des signatures à l’image de la chaîne. Dans le même temps d’anciennes stars de TF1 viennent renforcer les troupes pour faire de la Cinq une grande chaîne généraliste privée mais l’audience ne suit pas et début 1988, la chaîne revoit ses ambitions à la baisse. À l’antenne cette évolution se traduit par un nouveau format reposant principalement sur la diffusion de séries et de films. L’information reste néanmoins la véritable colonne vertébrale de la chaîne. La rédaction, composée de 150 journalistes, donnera le tempo dynamique de La Cinq ainsi que son image de marque. 

Malgré tout l’audience de la chaîne stagne et le déficit se creuse. Robert Hersant souhaite quitter le navire avant que son empire de presse ne soit touché par ce déficit. Avec l’accord du CSA, le relais est transmis au groupe Hachette de Jean-Luc Lagardère en deux temps. Tout d’abord Hachette entre minoritairement au capital de la chaîne en reprenant les parts du groupe chargeurs (Jérôme Seydoux) au printemps 1990. Puis, Hachette devient opérateur effectif de la chaîne en octobre 1990 en reprenant les parts du groupe Hersant. La Cinq se rêve de nouveau en grande chaîne généraliste capable de concurrencer la Une. Changement de look à l’antenne et au boulevard Pereire avec un nouveau logo créé par Jean-Paul Goude. Au mois d’avril 1991, de nouveaux programmes sont mis à l’antenne. L’heure est à l’euphorie et La Cinq vit son deuxième âge d’or bien trompeur. Mais l’audience ne suit toujours pas et le déficit continue de se creuser.

Le 17 décembre 1991 un plan de 576 licenciements est prévu par la direction. Les salariés manifestent leur opposition notamment par le biais de l’antenne. Le CSA rappelle à l’opérateur ses engagements pris. Face à de tels obstacles et devant un gouffre financier qui risque de toucher l’ensemble du groupe Lagardère, la direction de La Cinq dépose le bilan le 31 décembre 1991. Pendant plusieurs mois la rédaction devient la vitrine de défense de la chaîne. Le boulevard Pereire témoigne d’un feuilleton télévisuel incroyable.

L’un de ses journalistes phares, Jean-Claude Bourret, met en place l’association de défense de La Cinq. De nombreux téléspectateurs viendront boulevard Pereire adhérer à l’association, apporter leur soutien à la chaîne. L’adresse devient le bastion d’un ultime combat d’une Cinq dont l’existence fut un incroyable roman. Un temps, Silvio Berlusconi, l’actionnaire historique avait songé à relancer un tour de table avec d’autres partenaires ainsi que des banques mais face à l’hostilité des acteurs médiatiques et politiques, il fut mis fin au projet. C’est ainsi que le 3 avril 1992, le tribunal de commerce de Paris prononce la liquidation de la chaîne avec une poursuite de son activité jusqu’au dimanche 12 avril 1992 date de la fermeture antenne effective. La dernière émission de La Cinq « vive La Cinq » est transmise en directe depuis la rédaction. Des directs sont également réalisés devant l’entrée du 241 boulevard Pereire afin de permettre au public de dire au revoir à leur chaîne. Et à minuit, La Cinq s’éclipse définitivement.

Pourtant le 241 boulevard Pereire ne fermera pas totalement ses portes et l’ombre de La Cinq planera encore, le temps pour l’administrateur judiciaire, aidé d’anciens salariés, de procéder à la liquidation matérielle de la chaîne. Le lieu reste encore aujourd’hui lié à la télévision puisque les chaînes françaises du groupe Fox Networks Group ont leur siège administratif à cette adresse.

Photos©Balades télévisuelles

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