
Métro/RER : Charles de Gaulle-Etoile (Lignes 1, 2 et 6 du métro et ligne RER A)
Lieu notable : Ancien siège de TV6
La prestigieuse avenue tire son nom de la mythologie grecque et des Champs-Elysées, partie de l’enfer, où reposaient les héros décédés. C’est à la fin du XVIIIème siècle que cette dénomination lui fut donnée.
Il y a près de 50 ans, déjà, Joe Dassin chantait :
« Au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit
Il y a tout ce que vous voulez aux Champs Elysées ».
Nul doute que ce refrain pourrait décrire le Drugstore Publicis car effectivement on y trouve de tout et à n’importe quelle heure. Entre 1986 et 1987, on y trouvait également une chaîne de télévision : TV6.
TV6 c’est avant tout l’histoire de Publicis et de son fondateur Marcel Bleustein-Blanchet. Né en 1906, c’est en 1926 qu’il crée l’agence de Publicité Publicis (nom composé de Publicité et du chiffre 6). Sa première aventure médiatique est celle de Radio Cité en 1935, grande radio généraliste privée concurrente du Poste Parisien. Avec la seconde guerre mondiale, Radio Cité se fond dans le réseau de Radio Paris. Quant à Publicis, l’aventure s’interrompt pour reprendre après la seconde guerre mondiale. Et c’est dans les anciens bâtiments de l’hôtel Astoria au 113 avenue des Champs Elysées que l’agence s’installe en 1958.C’est à cette même période qu’ouvre le concept du drugstore avec restaurant et café, une pharmacie, une librairie, un cinéma etc…ouverts 7 jours sur 7 et en soirée. En 1972, avec l’architecte Pierre Dufau, l’immeuble se pare d’une façade en verre. Un lieu chic et pratique sur l’une des plus belles avenues du monde. Et c’est ici que les enfants du rock participeront à une incroyable aventure télévisuelle.

En 1985, le Gouvernement français, après avoir mis en place la première chaîne privée en France avec Canal+, lance un appel à candidature pour deux nouvelles chaînes privées : l’une généraliste et l’autre musicale. A Publicis, un homme se prépare déjà à cette option. Il a fait partie des géniteurs de Canal+ et pense déjà à une MTV à la française : Léo Scheer.
C’est dans un petit bureau du 6ème étage de Publicis que commence à s’imaginer la sixième chaîne. Le but étant de trouver un espace supplémentaire pour vendre de la publicité tout en surfant sur ce qui a fait le succès de la chaîne américaine MTV : les vidéoclips. Ce nouveau moyen d’expression artistique, descendant des scopitones, traduit en images des œuvres musicales et permet ainsi à cette sixième chaîne de se différencier de ses concurrentes.
Le groupe Publicis présente son projet de chaine musicale à destination d’un jeune public, accompagné de la radio NRJ, du groupe cinématographie Gaumont et de l’agence de communication Gilbert Gross. Ils entrent en concurrence avec le groupe luxembourgeois CLT, et la radio HIT FM allié au publicitaire Jacques Séguéla.
C’est ainsi que le 28 janvier 1986, Georges Fillioud, secrétaire d’État chargé des techniques et de la communication, annonce que la sixième chaîne reviendra au groupe Publicis, Gaumont, NRJ et Gilbert Gross.

Le lancement officiel de TV6 a lieu le 1er mars 1986. Entre les deux dates, la chaîne émet ses premiers vidéoclips.
Le président de la chaîne est Maurice Levy, vice-président de Publicis. La direction des programmes de TV6 est confiée à Patrice Blanc-Francard, producteur de l’émission mythique des Enfants du Rock sur Antenne 2. « La plus jeune des télés » (le slogan et leitmotiv de la chaîne) se donne les moyens de viser son public avec des émissions qui mettent en avant les artistes musicaux du moment et qui se veulent être le reflet de son époque : Tam-Tam, Système 6 ou bien encore NRJ6. Aux commandes des animateurs qui marqueront l’histoire de la télévision et de la culture en général : Childéric Muller, Alain Manneval, Jean-Luc Delarue, Chalotte Valandray, Phillippe Vandel…
A la rentrée 1986, la chaîne commence une mue généraliste tout en gardant une dominante musicale avec la diffusion de films et de séries cultes c’est-à-dire des œuvres déjà diffusées sur le petit écran mais qui conservent une popularité auprès du public (Les Envahisseurs, Au Cœur du temps…).
Le réseau de TV6 ne permet pas à l’ensemble de la population de la recevoir (ils seront environ 10 millions de foyers potentiels en 1987) mais la chaîne a réussi à gagner tant le cœur de sa cible d’audience que des artistes musicaux.
Toutefois, 1986 est l’année d’une transition politique au niveau de l’Assemblée nationale et par conséquent un nouveau gouvernement se met en place. A la gauche succède la droite qui souhaite, elle aussi, marquer de son empreinte l’Histoire de la télévision. Par décret du 2 février 1987, la concession accordée à TV6 pour l’exploitation de la 6ème chaîne est résiliée. Les raisons principales invoquées sont une évolution de la situation du paysage audiovisuel français et un manque de transparence lors de l’attribution initiale de la fréquence.
Déjà deux groupes sont sur les starting blocks. La Lyonnaise des Eaux dirigé par Jérôme Monod (ancien du RPR et proche du Premier ministre Jacques Chirac) et la CLT.
Les actionnaires de TV6 songent à s’allier avec la Lyonnaise des Eaux ce qui permettrait de consolider le dossier de candidature similairement à la stratégie mis en place au même moment sur La Cinq (alliance des anciens actionnaires avec de nouveaux venus ayant les faveurs politiques du moment). Toutefois l’accord ne se fera pas.et c’est donc trois projets qui sont présentés à la CNCL le 15 février 1987. TV6 qui se porte candidate à sa succession et qui confirme sa vocation musicale et non généraliste. Le projet TFM (télévision fiction musique) portée par différentes maisons de disques avec un projet éditorial comparable à celui de TV6 et enfin le projet Métropole Télévision présentée par la CLT et la Lyonnaise des Eaux.
Dans un premier temps, TV6 semble faire l’unanimité. La chaîne a su fédérer son public et le créneau musical n’empiète pas sur les projets généralistes des deux grandes chaînes privées TF1 et La Cinq.
Toutefois, la raison économique et politique l’emporte. Et c’est ainsi que le 23 février la décision tombe : TV6 cessera définitivement d’émettre le samedi 28 février 1987 à minuit et c’est Métropole télévision qui prendra le relais.
Le jour J une grande manifestation se tient sur les Champs Elysées en soutient à la chaîne mais également à la radio publique Radio 7 qui ferme également son antenne. Une convergence thématique qui marque la fin d’une époque, celle de la décennie des années 80 insouciante.
Le soir même TV6 organise une émission spéciale qui se clôture par Dark Vador, figure marquante de la pop-culture et du côté obscur de la Force, détruisant la chaîne.
Aujourd’hui, le drugstore et le cinéma Publicis introduisent toujours l’avenue des Champs-Elysées mais aucune trace ne subsiste de cette aventure télévisuelle éphémère. TV6 aura marqué la génération d’alors mais aura également laissé son empreinte sur les chaînes musicales qui parsèmeront par la suite le paysage audiovisuel français telles que MCM, Fun TV ou bien encore M6Music.
Photos©Balades télévisuelles