
Métro : Arts et Métiers (Ligne 3 ou 11) ou Réaumur Sébastopol (Ligne 3 ou 4)
Lieu notable : La Gaîté Lyrique (anciennement Planète magique)
Denis Papin, physicien français du XVIIIème siècle, à qui on attribue les premières recherches sur la machine à vapeur, donne à cette rue sa dénomination
Il semblerait bien difficile de deviner le lien qui unit cette bâtisse du Second Empire à la télévision. Aucun indice ne subsiste à ce qui fut une expérience avant-gardiste éphémère. De tous les lieux évoqués, il s’agit sans doute d’un endroit ayant connu la présence télévisuelle la plus courte de l’histoire racontée dans ce blog.
La naissance véritable de ce bâtiment est à dater en 1862 lorsque le théâtre de la Gaîté Lyrique situé boulevard du temps fut déplacé au 3 bis rue papin avec comme ligne directrice la représentation d’opérettes notamment avec un de ses plus illustres directeurs Jacques Offenbach. Le théâtre traverse les époques et leurs tumultes. Mais progressivement le bâtiment vieillit et devient insalubre. Une première réhabilitation du théâtre est tentée en le confiant en 1974 à Sylvia Monfort et son école de cirque. Cette tentative sera vaine et le théâtre finira à l’abandon à la fin des années 70 dans un état de délabrement tel que son avenir sera clairement posé. Son classement aux monuments historiques en 1984 lui permettra de survivre avant une deuxième renaissance.

Ce sont deux acteurs des émissions jeunesse des années 80 qui transformeront ce lieu, Jean Chalopin et Bernard Deyriès. A travers la société DIC, les deux hommes ont produit et réalisé des œuvres populaires auprès des jeunes téléspectateurs de l’époque : Ulysse 31, les Mystérieuses cités d’or, Inspecteur gadget, Jayce et les conquérants de la lumière et tant d’autres. La Mairie de Paris voit en DIC l’occasion de restaurer et de relancer ce bâtiment dans un projet de « palais de la jeunesse ». Le projet initial est alors de proposer une salle de théâtre, une salle de cinéma et des attractions futuristes. Ce sera également l’occasion d’enregistrer, depuis ce lieu consacré aux enfants, des émissions jeunesse. Pourquoi ce lieu ? Jean Chalopin logeait dans un hôtel en face du théâtre. Il admire le bâtiment mais ne peut que constater l’état de décrépitude dans lequel il se trouve. Il entreprend alors de le sauvegarder et de le relancer par le prisme d’un univers avec lequel il a connu le succès en France et aux Etats-Unis.
Par la suite, le projet évolue. Si l’on retrouve le théâtre ou le cinéma, ce sont bien les attractions qui sont au coeur de ce qui s’appelle Planète magique. L’idée maîtresse étant de prolonger l’expérience télévisuelle via un parc d’attractions en intérieur où chaque enfant serait le héros de sa propre aventure. A travers les licences DIC connues du grand public, c’est un véritable voyage vers l’imaginaire qui commence à se construire en 1987 même si pour la plupart, elles ne pourront être exploitées. En effet, entre temps Jean Chalopin revend ses parts dans la société DIC et fonde la société C&D. Ainsi, pour la partie consacrée aux cités d’or, il n’y aura pas de références directes à Esteban, Zia, Tao et leurs compagnons mais ce sera plus une immersion dans l’univers inca rappelant la toile de fond du dessin animé. Malgré tout, les visiteurs pourront déceler ici et là quelques petites apparition d’Ulysse (Ulysse 31) et de l’Inspecteur Gadget.
Si la façade extérieure est inchangée, il n’en est pas de même de l’intérieur du théâtre de la Gaité Lyrique. Ainsi la grande salle à l’italienne, symbole et place centrale des représentations passées, est détruite pour laisser place à une construction en béton qui sera au coeur des aventures. Certains articles de presse mettent en avant le massacre opéré sur ce bâtiment. Toutefois, l’état intérieur du celui-ci est tel que le choix semble simple : ou bien la destruction complète ou bien une véritable rénovation. C’est donc la deuxième option qui est retenue avec une structure qui résume à lui seul cette transformation radicale : le monorail et son look futuriste.
A travers les attractions apesentaria et la navette, le monorail doit amener les visiteurs au dernier étage pour leur faire vivre une exploration hors du temps sur 7 niveaux. Chaque niveau et chaque salle étant dédié à un univers particulier pour des escapades dédiés à l’imaginaire. C’est un véritable pari que d’ouvrir ainsi un parc d’attraction en plein coeur de la capitale.
L’ouverture a lieu en décembre 1989 et pour accompagner celle-ci Antenne 2 créé une émission quotidienne, conjointement avec la société C&D de Jean Chalopin, durant les fêtes de fin d’année avec deux de ses animateurs jeunesse Groucho et Chico (Alexandre Marcellin et Sam Choueka).
Déjà aux commandes des principaux rendez-vous jeunesse de la deuxième chaîne depuis un an (avec entre autres Graffitis 5-15) et tentant de résister à la position dominante de TF1, les deux amis proposent donc une émission tout simplement intitulée : Groucho et Chico et la Planète magique. A travers ce rendez-vous, le public découvre les coulisses et le concept de lieu d’évasion au cœur de la capitale. Ce n’est pas la première fois qu’un parc d’attraction sert de fil conducteur à une émission jeunesse. Ainsi Disney Parade mis à l’antenne quelques mois plus tôt sur TF1, tout en proposant des programmes des studios Disney, fait ponctuellement la promotion de Disneyworld mais surtout dévoile les contours du futur Eurodisney. Toutefois, avec Groucho et Chico et la Planète magique, c’est la première fois qu’une émission à part entière est créée ponctuellement et spécifiquement pour la promotion d’un tel lieu de loisirs. Par ailleurs, l’ensemble des émissions sont tournées depuis la Planète magique afin de mieux intégrer le public dans cet univers mais également leur donner envie de tenter ensuite l’aventure (le concept sera repris également sur Antenne 2 quelques mois après pour la promotion du Parc Astérix avec En avant Asterix).

Malgré la volonté des dirigeants d’Antenne 2 de faire de cette période de noël un moment magique et malgré l’enthousiasme communicatif des deux animateurs, l’émission ne fera pas long feu et pour cause le parc lui-même ferme au bout d’une dizaine de jours. Les problèmes techniques s’accumulent avec une fréquentation bien plus dense que ne permet d’accueillir la planète magique. Par ailleurs, le système de paiement pour chaque attraction (un peu comme une fête foraine) n’est sans doute pas adapté à cet ensemble.
Par la suite, ce sont des problèmes financiers qui viendront s’ajouter à ces déboires. Le parc ouvrira de nouveau à la fin de l’année 1990 mais refermera aussi vite ses portes. Sans doute trop en avance sur son temps, il faut s’imaginer un lieu conçu comme un escape game ou un « livre dont vous êtes le héros » grandeur nature mais avec la volonté d’accueillir simultanément un grand nombre de visiteurs. Au final seuls quelques privilégiés auront pu participer à cette curieuse aventure permettant de continuer à creuser le sillon de l’imaginaire tracée par la télévision.
Pendant de nombreuses années, le théâtre reste à l’abandon. A l’occasion des nuits blanches au début des années 2000, des visiteurs redécouvrent le site tels des archéologues vers un passé révolu mais chargé d’histoire. La thématique mise en place à la fin des années 80 trouvera malgré tout un certain écho à la Mairie de Paris qui installe en 2011 un établissement sur les cultures numériques et les musiques actuelles. C’est la Gaîté Lyrique telle qu’elle existe encore aujourd’hui.
Photos©Balades télévisuelles